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1749 — MONSIEUR NICOLAS

me sauta au cou en détonnant le refrain d’une vieille chanson :

Lampons, camarades, lampons !

J’étais glorieux de me voir traiter en homme, car nos maîtres (je ne sais s’ils avaient tort ici ou raison) en agissaient avec nous, non comme avec des garçons de quinze et dix-sept ans, tels que nous étions Huet et moi, mais comme avec des morveux de dix ans ou même plus jeunes. S’il venait au presbytère des gens chez qui nous avions été, qui nous avaient parlé comme à des hommes, nous avions l’humiliation de nous voir mener à la baguette et gronder pour des minuties qu’on nous aurait passées dans le particulier. Cette conduite nous peinait ; elle rendait Huet maussade, moi plus sauvage et Melin plus polisson… Lemoine, avec qui je tablais, était allié de ma famille, un des admirateurs de mon père, du curé de Courgis et de l’abbé Thomas. Je bus ma part de trois bouteilles. Mon hôte s’enivrait et voulait toujours boire : je lui représentai qu’il se faisait tard et que je demeurais chez un ecclésiastique. — « Vous avez raison ! mais jarni ! n’est-il pas triste qu’un homme de mon âge soit battu par un adolescent !… Mais vous avez raison : je vois que vous tenez de famille et que vous avez de l’esprit… Adieu, Monsieur Nicolas ! »

Je le quittai plein de joie. Je voulais profiter de la douce chaleur du vin pour ajouter quelque chose à mon premier Chant. Je m’assis hors du chemin,