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de loin, je prenais pour des maisons ; ce spectacle m’amusait, et je faisais à mon père questions sur questions. Il me répondit par l’exposition de quelques vérités physiques, sur le décroissement des rivières, dont les sources ne sont pas dans les hautes montagnes couvertes de neige : il me dit que le sentiment de son père était que toutes les rivières avaient autrefois entièrement rempli le lit de la vallée où elles coulent. Pierre expliquait comment elles avaient diminué par la dégradation des montagnes et l’exhaussement des vallées… J’ai tiré un parti éclairé de ces vérités dans ma Physique.

Nous passions par la vieille route : en nous rapprochant de la nouvelle, j’entendis un bruit effrayant, qui ressemblait, pour moi, à celui d’un tonnerre roulant. Je me mis à crier : « — Mon père ! mon père ! c’est une troupe de voleurs qui vient ! » Edme Restif sourit : « — Ce que tu entends, ce sont des carrosses qui vont à Fontainebleau, où le roi et la cour sont apparemment. Les voitures roulent sur le pavé ; car il n’y a qu’un roi pour la France entière, et tous les gens qui ont des affaires vont à lui. — Pour lui parler ? — À ses ministres, qui exercent son autorité… Mais ceci ne sera que dans quelque temps à ta portée. Qu’il te suffise de savoir que le roi défend tous les pays de la France avec des armées, qu’il entretient de l’argent de nos tailles. — Contre qui, mon père ? — Contre les étrangers, les Allemands, les Anglais. — S’ils venaient, tout Sacy,