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fouasse ; ce dernier mets était pour nous délicieux ! Quelquefois ma nourrice, qui avait beaucoup d’abeilles, me donnait du miel, d’autres fois du raisinet, des raisins secs, des noisettes ; je portais le tout à la grotte, et Edmlot, en les partageant, doublait le plaisir de manger ces chatteries. (C’est ainsi que depuis, je doublerai les plaisirs de l’amour, en les racontant à mon ami Loiseau)… Je m’attachais par mes dons, et j’étais le plus content.

Un jour, en mangeant des pois crus, nous jetions sur la terre éboulée de la cargniote, ceux que les vers avaient endommagés. Il plut le lendemain, et toute la semaine ; ce qui nous empêcha d’aller à notre retraite. Au bout de huit jours, le beau temps étant revenu, nous y retournâmes, et, ô merveille ! nous y trouvâmes un champ de pois levés ! Notre surprise égala notre joie, et celle-ci fut la plus grande que nous eussions jamais éprouvée, surtout lorsqu’un de ces pois, non entiérement recouvert de terre, nous eût fait reconnaître que c’était un de nos verreux ! — « Ce sont nos pois ? » nous demandions-nous avec admiration. Des plantes nées par notre moyen ! c’était une sorte de paternité : quelle gloire ! Non, un général d’armée, après une éclatante victoire, n’a pas aussi haute opinion de lui-même : nous contemplions notre production première, avec une incessable ivresse ! Ce fut notre champ, notre jardin, notre parterre, notre verger, notre domaine, notre royaume ; nous éprouvâmes le désir impuissant de l’entourer d’une clôture… C’est