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se faisait des signes, je mis la main droite au feu. La douleur me fit pousser un grand soupir. Barbe m’aperçut la première ; elle fait un cri : « Ha ! mon enfant ! » s’élance, et me retire… Elle s’évanouit, en voyant ma main endommagée. Mon père et mon aïeul surpris ne songèrent d’abord qu’à la secourir. — « Attendez ! attendez ! » leur dis-je ; « je vais brûler l’autre pour la faire revenir ; car celle-ci me fait trop mal. » Mon grand-père quitta sa fille, pour se jeter à moi. Ma mère reprit ses sens, et son premier mouvement fut de baiser ma main douloureuse. Elle se leva ensuite, prompte comme l’éclair, et fut chercher du beurre frais, dont elle couvrit ma brûlure. Mais, malgré tous ses soins, l’ongle de l’annulaire droit tomba, pour ne revenir qu’avec une fissure longitudinale. Ma mère voulait me retenir dans son giron : — « Laissez-moi, maman ! vous serez bientôt sauvée ;  ! car la main me fait grand mal ! Laissez-moi courir, pour ne la pas sentir, à moins qu’il ne le faut ? — O mon pauvre enfant ! mon cher enfant ! » s’écria-t-elle, « envers qui j’étais injuste ! — Ne jugez pas trop tôt les enfants, » dit alors mon aïeul ; « attendons : il est des hommes qui ne sont mûrs qu’à trente et trente-cinq ans ; les juger plus tôt, c’est manger un excellent fruit encore vert, et d’après cela, faire le procès à l’arbre… Adieu, mon gendre… Adieu, ma fille… Soignez la main de votre enfant : elle vous servira un jour ; la manière, je l’ignore. L’épreuve a réussi au-delà de mes espérances ; je vous annonce