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avant que de vous quitter, je l’éprouverai devant vous. Et c’est tout ce que j’ai à vous dire à ce soir : demain au déjeuner d’adieu, je vous ferai voir le reste. » Tel fut le discours de mon aïeul, comme je l’entendis, et comme ma mère me l’a répété depuis, en 1767, durant le séjour de quatre mois que je fis auprès d’elle.

Le lendemain, au déjeuner d’adieu, mon aïeul Ferlet Bertrô m’appela. On me levait, pour que je le visse encore. Je courus auprès de lui demi-nu. — « Nicolas, mon fils, » me dit l’honorable homme, « je sais que vous avez bien des défauts, qui donnent du chagrin à votre mère, qui est ma fille, et qui m’a toujours obéi : obéissez-moi, et corrigez-vous ; sinon je vous châtierai comme ce chien, quand on l’a dressé. » Surpris de ce langage, de la part d’un homme qui m’avait fait tant d’amitiés, je le regardai noir : dans ma fureur, je brisai mon petit cheval de carton, mon joli carrosse apporté de Paris ; je jetai au feu mes quilles et ma petite boule ; ensuite je m’assis le dos tourné. — « Nicolas ? » reprit mon grand-pére, « c’est pour t’éprouver, ce que j’ai dit. Crois-tu donc qu’un grand-papa qui t’a fait tant d’amitiés hier et devant-hier, te voulût aujourd’hui traiter comme un chien de chasse ?… Ho ! je croyais que tu avais de l’esprit ? » Je me retournais insensiblement, pendant ce discours. « Ton père en a, ta mère en a ; et toi, tu n’en as pas ! de qui tiens-tu donc ?… » Je me retournai tout à fait : — « Moi je ne suis pas