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finiment dans un pays où le sang est grossier, à raison de l’air marécageux qu’on y respirait autrefois : j’y étais un phénomène ! Lorsque Marie me portait, en allant à l’église, les plus jolies filles l’environnaient, pour me baiser chacune à leur tour. Je me rappelle le sens d’un propos, que tint un jour à ma porteuse un grand garçon : il s’approcha de son oreille, et lui dit : — « Maïe !… avoua coume vou’ aimez ç’jouli enfant ; n’an s’doute qu’vou’s’eëz boune méze et boune femme : et gaijôns qu’vou’vourêz en avoir in pazeill ? Je l’vourô étoû, et que ç’fûssît moi qui vous l’eûs fait !… » Marie rougit, et baissa les yeux ; un instant après, elle les leva, et ils suivirent Jean Nollin tant qu’elle put le voir. Il l’épousa quelque temps après, et je fus de la noce.

Un quatrième trait, qui date de la même année, achève de prouver combien les libertés que prennent ensemble deux époux, sont dangereuses pour les enfants, fût-ce dans l’âge où ces innocentes créatures n’y comprennent rien. Je me trouvais un jour chez un homme appelé Cornevin, qui venait, depuis peu, d’épouser Nannette Bêlin, une jolie fille. Ils occupaient une petite maison, que leur avait louée mon père. Le mari préparait des échalas, et à chaque fois qu’il en avait appointé un, il venait embrasser sa femme, et prendre d’autres libertés, qui me causaient un naïf étonnement ! Ma petite mine était si comique, aux yeux de la jeune femme, qu’à chaque fois que son mari la caressait, elle éclatait de rire, en me regardant. Je riais de la voir rire, et ses éclats re-