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mention, mais qui n’est parvenu jusqu’à nous, que par la généalogie de Pierre Pertinax.

Eschappé à la mort, Helvius Pertinax se sauva dans les Apennins, où il vescut dans l’obscurité.

Un jour qu’il visitoit les antres et les rochers de sa retraite sauvage, il découvrit une jeune esclave, qui chassoit devant elle quelques chèvres, et les faisoit entrer dans une caverne. Il la suivit, sans en estre aperçu, et pénétra sur ses pas jusqu’au fond de l’antre. Mais quelle fut sa surprise, lorsqu’il entendit une autre femme parler à l’esdave, et qu’il reconnut la voix de Didia Juliana, fille du successeur de son père, également proscrite par Caraalla, et que toute la ville de Rome croyoit massacrée par le monstre, après en avoir été violée ! Il se montra avec précaution, de peur de l’effrayer, et les deux infortunés, charmés de se revoir, comprirent qu’ils pourroient améliorer mutuellement leur sort. Helvius s’informa de la manière dont Didia Juliana avoit échappé au tyran ? Elle lui répondit : — « Seigneur, je fus d’abord violée, et puis après Caracalla m’alloit éventrer, quand survint par aventure sa mère Julie, laquelle l’amusa un petit. Je profitai du moment, pour me sauver. Mais je feus veue par une mienne chambrière, laquelle courut vistement en avertir l’empereur. Il quittoit sa mère, la chambre estoit obscure ; la traistresse avait été mise nue par les soldats de garde, et violée comme moi ; Caracalla la prit pour moi, la saisit par les cheveux, et sans l’entendre, lui fendit le ventre d’un seul coup ; un soldat lui coupa la teste, et le tout feut incontinent jeté aux tigres et aux lions de la ménagerie du Cirque. Je m’eschappai du Palais, parce qu’un centurion favorisa ma fuite ; une esclave fidèle voulut suivre mon sort ; nous sortîmes de Rome, traversâmes l’Italie, et ne nous ar-