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le bienfait est double. Oblige, et il est impossible que tu ne sois pas obligé à ton tour : l’amitié est un champ qu’on sème. Si tu méfais, on te méfera au double ; la vengeance suit la même proportion que la chute des corps, qui s’accélère à mesure qu’ils tombent. » Combien de fois, lorsqu’on m’avait causé quelque dommage, n’avez-vous pas fait en sorte que je ne me misse pas en colère ; que je ne me vengeasse qu’en idée, avec une sorte de rage ! Vous me faisiez ainsi exhaler mon feu ; et puis quand j’étais calmé, vous me présentiez le miroir de la prudence, où se peignaient les suites de ma frénésie, de manière à m’effrayer : alors vous me disiez : « Voudrais-tu avoir fait ce que tu viens de penser ? — Ho non ! » vous répondais-je. Et je ne manquais pas de mettre à profit cette sage leçon par la suite.

Depuis longtemps vous me pressez de mettre la main à la plume, pour écrire ma propre histoire ; et voici vos raisons : « Tu es mal connu, quoique très connu ; car tu es calomnié : tu dois te justifier, en ouvrant ton cœur au public comme, un livre, et en disant à tes amis, comme à tes ennemis : — Lisez-moi ; me voilà devenu un livre à mon tour, moi qui en ai tant fait, où vous avez lu les autres. Quand je vous les ai présentés, je les ai cou-