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lueurs de vertu ? Les Gens qui me parlent de gloire, sont inconcevables ! Mon motif, à la vérité, est l’utilité publique ; mais qui le sentira d’abord, hors moi ? Du reste, et cette excuse ôtée, je n’ai que de la honte à espérer. On va voir les brigands et les oiseaux de proie de la Littérature tomber sur moi ! Ils l’auront belle, pour me déchirer ! Je n’aurai pas un mot à répondre, puisque j’ose publier, de mon vivant, ce qu’on doit remettre à laisser paraître après sa mort. Ils me calomnieront, quoique pour triompher, ils n’en eussent pas besoin : mais c’est un plaisir qu’ils ne se refuseront pas… Je vois tout cela, et cependant je vais paraître ! C’est qu’un autre malheur plus urgent me talonne !… Ha ! pourquoi désire-t-on de vieillir, si le soir de la vie doit être obscurci par tant de maux ! C’est ici qu’un de mes ennemis aura bien raison de dire, ce qu’il a si mal à propos avancé, en parlant de ma Physique, dont la publication est la seule chose qui me console, dans mes peines actuelles : « Il faut être désespéré, pour mettre au jour un pareil Ouvrage ! » Oui, le désespoir et une douleur insupportable me font publier les huit premières parties de mon Anatomie morale ; oui, le malheur seul me fait chercher à me procurer les moyens d’achever cet Ouvrage, dont on ne sentira parfaitement l’utilité, qu’après ma mort et l’extinction des passions vivaces que j’aurai trop vivement heurtées.