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rendit ce garçon moins dangereux pour moi.

Depuis son arrivée chez nous, Pierre couvait un mauvais dessein. Un jour que j’étais aux champs avec lui, il battait la campagne par cent propositions vagues qu’il me faisait : — « Seriez-vous bien aise d’avoir celle-ci ! seriez-vous bien aise d’avoir celle-là ? Marie Fouard ? Edmée Boissard ? Ho ! pour celle-là, il faudrait une terrible chose !… Savez-vous écrire une lettre ! » Je lui répondis que je tenais de mon père qu’il n’y avait qu’à écrire ce qu’on dirait à la personne, en lui parlant, avec cette différence qu’on y met plus de suite et de correction, parce qu’on écrit à tête reposée. — « En ce cas, vous sauriez bien faire une promesse ? — Quelle promesse ? — Un écrit,… comme tous les bergers en font ?… Ha ! si je savais écrire ! il serait déjà fait !… J’aurais pacté, et j’aurais tout ce que je voudrais ! — Qu’est-ce que pacter ? — Un pacte ?… c’est une promesse qu’on fait… — Au Diable ?… — C’est une promesse qu’on lui fait de ce qu’on veut ; on n’a seulement qu’à avoir bien soin de la tenir, quand ce ne serait que d’un fétu : il ne peut rien contre l’homme, et il est obligé de lui obéir en tout. Quand on fait pacte, l’homme est maître des conditions ; Dieu l’a voulu : mais il faut les tenir ! Il y en a qui sont assez bêtes pour croire qu’il faut donner son âme au Diable et qui la donnent ; et pour l’avoir, quand ils ont manqué à leur promesse, il faut bien qu’il leur torde le cou ; mais, le plus souvent, il