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1746 — MONSIEUR NICOLAS

terai d’ajouter que, lorsqu’il connut les filles de mon village, il m’entretenait continuellement des sales désirs qu’elles lui donnaient, et que ces conversations obscènes ont influé sur mon caractère et mon tempérament, en dirigeant toutes mes pensées, par conséquent le cours des esprits vers le physique de l’amour.

Courtcou ne se doutait que j’eusse à lui faire des confidences du genre des siennes : mais je lui avais promis un récit, pour qu’il ne me cachât rien de sa conduite avec Christine. Il me pressait souvent de tenir ma promesse et me boudait de mon retard. Ses sollicitations me rendirent romancier pour la première fois : j’arrangeai dans ma tête les deux aventures de Nannette et de Julie, et je les lui racontai. Il en fut dans l’admiration et me dit qu’elles valaient mieux que les siennes. Il me flattait, encore qu’il dit la vérité, car il ne le pensait pas. Cependant, je voyais se fondre sur son hideux visage le désir et l’envie : il ressemblait alors à ces Esprits immondes, victimes dévouées aux brasiers éternels, qui sont rafraîchis, dit-on, par les crimes des hommes… Comme Courtcou ne voyait pas Nannette, et que son physique dépeint ressemblait beaucoup à celui d’Ursule Lamas, il se livra aux descriptions les plus obscènes, d’après les charmes de cette belle Nitriote : mais il ne désirait que de violer, et toutes ses horribles voluptés partaient de cette supposition. Des cris, des larmes, des douleurs : il me faisait frémir ! J’avais un caractère tendre et sensible ; ce fut ce qui