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imaginait que je les avait vendus au boucher de L’Isle-sous-Mauréal ; ce qui n’était pourtant pas. Je pris mon compte, je fis mon paquet et je partis. Mais, par une espèce de soupçon, je ne suivis pas le chemin ; j’entrai dans les bois et je côtoyai-le chemin de vingt à trente pas. Et voilà que, quand je fus aux environs de Soulangis, j’entrevis mon maître et ses deux fils, ayant chacun un fusil sur l’épaule. Les trois chiens vinrent à moi : heureusement ils n’aboyèrent pas ! Je les attachai à un arbre, comme j’avais coutume. Le cœur me battait. J’allai me jeter dans un hallier, d’où je les entendis qui disaient entr’eux : — « Par où diable a-t-il passé ? — Ma sœur ! » reprit l’aîné des fils, « ha ! Christine ! — Elle est grosse ! » dit le cadet… — « Tais-toi, » interrompit son frère avec colère. J’en sus assez. Je les laissai courir après moi, et je m’enfonçai dans le bois après avoir détaché les chiens. Et je fus plus content de ce que je venais d’entendre, que je n’avais peur d’être rencontré : — « Ha ! il y aura donc un petit Courtcou dans votre famille, messieurs les Fierpets ! » me disais-je à moi-même. « Allons, allons, me voilà plus heureux que je ne croyais ! Et arrive ce qui pourra ! » Je n’allai pas à Nitry, mais à Noyers, et de là je suis venu chez vous, à cause que c’est un pays écarté, où ils ne me trouveront pas. Et puis, j’aurai l’œil à tous les monsieurs à manteau rouge qui passeront à cheval ; et j’aurai soin de ne pas me trouver sur le bord des chemins, de peur de malheur. »

Tel fut le récit de Courtcou. Je ne rapporterai pas tout ce qu’il me disait et nos entretiens journaliers. Ce vaurien me corrompait le cœur, malgré toutes les précautions de ma mère. Je me conten-