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1746 — MONSIEUR NICOLAS

sainte, bien mal appoint, car il n’avait plus d’argent pour entrer dans les auberges, passa devant un beau château : — « Voilà un beau château, » se dit-il ; « il y faut aller ; j’y aurai par aventure du Châtelain loyal accueil pour moi et pour mon cheval, qui n’a pas gagné au pèlerinage ; tant est vrai que,

À bon cheval et méchant homme,
Ja mieux n’en chaut d’aller à Rome. »


En disant ces paroles, le Gentilhomme, qui était jeune encore et beau garçon, heurta du heurtoir trois coups à la porte. Personne ne répondit : mais il vit à côté de la grande, une petite porte entr’ouverte, par laquelle il passa. On avait laissé les clefs à toutes les portes, il visita toutes les chambres, où il trouva de bons lits, des meubles, et personne ! Il y avait du pain dans la cuisine, et au croc des pièces de viandes ; le feu préparé dans la cheminée n’attendait qu’une allumette. Comme le Gentilliomme avait faim, il mit le feu au bois, décrocha une pièce de viande, l’embrocha, et pendant qu’elle cuisait d’un côté, alla soigner son cheval. Il revint ensuite tourner la broche, en se chauffant. Mais il était bien étonné ! car il attendait toujours qu’il viendrait quelqu’un ; se proposant de faire ses excuses de la liberté qu’il avait prise. Mais la nuit se ferma, et personne ne parut.

Quand le Gentilhomme eut mangé de la viande qu’il avait fait rôtir, laquelle lui parut avoir un goût entre le veau et le cochon, et bu du vin qu’il trouva dans les buffets, il ne voulut pourtant pas se mettre au lit, sans parler à quelqu’un. Il entendit tout justement passer devant la porte, des paysans qui causaient, et qui parlaient entre eux, comme s’ils avaient eu peur. Le Gentil-