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en l’entendant parler et le voyant agir. Regardez votre fils, bien qu’enlaidi, et comparez-le à ce sang épais et grossier des Leclerc ? » Mon père aurait pu répondre à sa bonne sœur, que le sang du jeune Leclerc était moitié Restif ; mais il sourit, en lui disant : — « Je ne vois, ma sœur aînée, que votre bonne amitié pour moi et mon nom, qui est celui de notre digne père (Dieu l’ait en son sein !…) Je ne sais pourquoi tous les Restif, qui ne sont que des roturiers, ont ce sentiment outré de leur excellence, qui fait craindre à leurs filles de changer de nom, et rend les mâles glorieux de le porter ; car tous l’ont, et il est général dans cette famille ; le plus modeste de ceux que j’ai connus, c’était mon père, si ce n’est alors qu’il parlait du sien, et cependant il ne prononçait les autres noms qu’avec une sorte de dédain. On aurait dit qu’il croyait à la vérité de sa descendance de l’empereur Pertinax, et que nos deux grand’mères Courtenay étaient de la branche légitime. Le sentiment de respect filial est héréditaire chez nous ; car je ne crois pas qu’il y ait eu jamais personne qui l’ait surpassé en respect pour son père, comme en esprit, en gaîté, en grandeur d’âme. » Il avait apporté la Généalogie ; il la lut à ses deux beaux-frères, qui l’entendirent pour la première fois. Ils en furent émerveillés, et j’entendis retentir les louanges de mon aïeul. On parla cependant de quelques-uns de ses défauts, comme la prodigalité, l’insouciance, le persiflage, l’âcreté. Mais,