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n’en étaient que plus éblouissantes. Ma tante ne pouvait se lasser de me voir et de me caresser. En allant à la messe, elle me tenait par la main et me montrait à ses anciennes camarades, qui avaient connu mon grand-père Pierre : — « Hem ! voilà encore un vrai Restif !… Voyez ces traits ! cet œil, ce nez aquilin !… L’aîné de premier mariage est aussi un vrai Restif ; mais le second n’est qu’un Dondéne[1]. » Toutes ces bonnes femmes me firent accueil et voulaient rentrer chez elles pour me donner, l’une un gâteau, l’autre des fruits ; mais ma tante en empêchait : — « Vous savez que j’ai de tout cela, » leur disait-elle, « et que les Restifs ne sont pas sur leur bouche. »

Nous approchions de l’église, vis-à-vis laquelle est l’abreuvoir, quand je vis sortir d’une maison à côté de nous, une jeune fille, ou plutôt une nymphe (telle que depuis j’ai vu Jeannette Rousseau), qui faisait rentrer de jeunes canards avec leur mère. Sa beauté me frappa comme l’éclair… — « Edmée ? » lui dit ma tante, « c’est ton cousin Nicolas de Sacy, et tu ne viens pas l’embrasser ?… » Edmée accourut. Mais en m’approchant, elle rougit, et devint honteuse. Ma tante nous fit embrasser. Ensuite nous allâmes ensemble à l’église : je regardais ma jolie cousine avec une sorte d’extase, et je baissais ensuite les yeux, comme si j’eusse été ébloui. Je sentais au fond de mon cœur ma timidité naturelle, qui

  1. La première femme de mon père était une Dondène.