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d’aller chez ma tante Madelon, j’étais transporté de joie. Ce fut une faveur signalée, que mon père m’accorda, de me mener avec lui à une fête patronale de Nitry.

Mais un motif secret, et qu’on était loin de pénétrer, redoublait mon contentement : j’étais curieux de voir plusieurs jolies filles dont François n’avait cessé de me parler. Il m’avait surtout vanté Ursule Lamas, qu’on nommait la belle Ursule dans tous les environs ; Edmée Boissard, petite-fille par sa mère du bon maître Berthier ; Catin Doré[1], Georgette Lemoine et quelques autres. Nous partîmes dés le matin. Je n’étais plus beau de prés, mais je l’étais encore de loin, et ma mère, en frisant mes cheveux renaissants, leur avait rendu l’apparence de leur bouclé naturel. J’avais un chapeau neuf, une chemise à manchettes ; habit rouge, veste et culotte bleu céleste ; de fins bas de coton, des escarpins avec des boucles à pierres, fort antiques, mais qui

  1. Il faut dire ici que le nom favori, pour les filles, à Nitry, c’est Catin ; comme celui de Marthon, prononcé Mathron, est le nom le plus en usage à Sacy ; d’où le proverbe :

    Des ribans aux Catins de Nintry,
    Des galotes aux Mathrons de Sacy.


    Ce qui exprime les deux caractères. Les filles de Nitry n’aiment que la joie, la danse, les rubans ; aussi sont-elles toutes battues et malheureuses en ménage ; les filles de Sacy sont sérieuses, laborieuses, elles veulent du solide, figuré par les galotes, qui sont des morceaux de pâte cuits dans du lait et le plus rassasiant de tous les mets.