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frayant. L’impression que fit sur moi cette scène singulière a été profonde, et elle m’a toujours, depuis, éloigné du système de Descartes, si mal à propos renouvelé par Buffon, qui n’a que trop souvent sacrifié la vérité à la crainte de la Sorbonne, dans son éloquent et mauvais Discours sur la nature des Animaux ; quoiqu’il revienne ensuite aux vrais principes dans sa courte Histoire du Castor. Comme nous nous en retournions, Friquette revint de la poursuite du jeune loup, le corps rempli d’épines, que mon père arracha : ce qui prouvait qu’elle s’était accolée avec l’ennemi.

Cette aventure ne m’empêcha pas d’aller le lendemain dans la sombre et profonde vallée de Bourdenet, dont j’avais appris que les seigles étaient déblavés. J’y fus joint par mon ami Étienne Dumont, qui conduisait son troupeau de vaches et ses chèvres de mon côté. Je tressaillis de joie. Il la partageait réellement ; car il avait bien des choses à me dire, ne m’ayant point parlé en particulier depuis mon retour de Joux. Il me conta d’abord que je passais dans le village pour avoir tué le loup de la veille ; et il ajouta des circonstances merveilleuses, qui vont donner une idée de la manière dont les fables se forment :

— « Tu venais d’arriver dans les Prés-des-Rôs et tu venais de t’asseoir au pied du pommier de la mère Lamberlin, quand un loup blanc, le même qui a mangé la petite sœur de votre Germain il y a vingt ans, est venu à toi par derrière et a voulu