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crochu du maître Berthier : ce qui devait être impossible… Je continuai ma route. Vis-à-vis mon vallon, dans le Grand-Pré, j’aperçus Julie, qui me faisait un signe souriant d’aller à elle. Mais sûr que ce ne pouvait être Julie, je m’effrayai, et me mis à fuir. J’arrivai tout à nage dans la maison paternelle, où je me trouvai mal en entrant. L’on me mit au lit sur-le-champ, et le repos me calma.

Ce fut ainsi que se passa mon séjour chez le maître Berthier, qui fait dans ma vie une époque à jamais mémorable ! et que se termina ma onzième année ; car nous sommes au commencement de Novembre.

J’eus les fièvres-tierces tout l’hiver. Comme j’avais1746 deux bons jours sur trois, je m’appliquai à lire, à écrire, à compter ; je soignai les abeilles, les brebis, les agneaux, toute la basse-cour ; ma maladie ne m’inquiétait pas : je l’avais vue à plusieurs de mes camarades, et pas un n’en était mort.

Au printemps, ma mère voyant que mes accès étaient toujours aussi forts, avec fièvre chaude et délire, elle consulta par lettres mon frère Boujat, qui lui conseilla de me purger avec la manne et la rhubarbe. Je gardai le lit pour ma médecine. Je ne le quittai pas. La fin de ma beauté était arrivée. Dès le lendemain de ma purgation, on remarqua tous les symptômes de la petite-vérole. Une fièvre continue me saisit ; l’éruption commença, et je fus trois jours dans le délire le plus effrayant. Mes craintes étaient les chiens et les serpents. Je sautais du lit, me