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mer la bouche, après avoir bu aux fontaines. — « Adieu, Mademoiselle Julie ! » Elle ne me répondit rien ; mais elle sanglota, en appuyant ses deux mains sur mes épaules.

Je sortis de la classe, sans parler au maître. À la porte de la rue, je me retournai. Julie y était accourue ; elle me salua d’un air pénétré. Je cessai enfin de la voir, et j’allai chez ma sœur, à laquelle je dis que je voulais m’en retourner. Elle me trouva une fièvre si violente, qu’elle prépara tout pour me mettre au lit. Je saisis le moment où elle passa dans une autre chambre, pour m’évader. La nuit approchait : mais je savais le chemin. Comme j’étais alors dans le plus fort de mes terreurs des bêtes excommuniées, des sorciers et des revenants ; que d’ailleurs mon imagination était exaltée par la fièvre, j’eus deux visions en route.

J’étais près de la jonction du chemin d’Oudun à celui de Joux, lorsque j’aperçus derrière moi une grande bête. Je frémis, mais je ne fus pas absolument effrayé : puis m’étant retourné, je la vis étendre de longues pattes, comme pour m’embrasser. Je poussai un cri aigu, et au lieu de l’animal, je crus voir à cinquante pas, sur le chemin d’Oudun, le maître Berthier, en bonnet de nuit. Je me cachai dans un buisson, croyant qu’il allait passer. Mais je n’entendis personne. Il s’en retourna sans doute par le chemin de Joux, pensant m’y rencontrer. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que de cinquante pas j’avais parfaitement distingué la figure et le nez