Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que plus sensible aux soins de mon amie… Cependant, qui le croirait ? moi, qui la chérissais ; moi qui avais été si touché de ses soins, que j’en avais souvent versé des larmes de joie ; qui croirait que je ne l’ai jamais revue ?… O fille aimable et généreuse, qui croirait que je t’ai oubliée prés de vingt ans, quoique tu ne demeurasses qu’à une lieue de Sacy, et que tu te fusses informée de moi ! O Julie ! si tu existes encore, reçois l’hommage de ma reconnaissance et de mes larmes ! Ah !

Ingratis Jupiter non dedit esse beatis[1].

Hor.


Heureux encore le bienfaiteur, lorsque les ingrats ne se font pas du bienfait un titre de mépris, comme il arrive à tant d’hommes, envers tant de femmes !…

… Est aliqua ingrato exprobrare voluptas[2].


Mais peut-être néanmoins me trouvera-t-on excusable, lorsqu’on verra les événements qui vont suivre.

Le lendemain, j’étais si faible, que je ne pouvais me soutenir ; je demandai à retourner chez mes parents. On ne voulut pas y consentir. Je le dis à ma Julie. Elle ne répondit qu’en secouant un peu

  1. Jupiter ne permet jamais que les ingrats soient heureux.
  2. C’est encore un plaisir que de reprocher à un ingrat son ingratitude. Ep. 12, v. 12.