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un cri. Joson cria d’entendre sa sœur crier. Barbier voulut sauter du lit, croyant que ce fût un voleur ; il renversa la table, les chaises, et tomba lui-même au milieu de la chambre, sous les pieds de Christophe Berthier, qui, surpris de ce boulvaris, et trouvant le prétendu coupable à sa portée, lui donna les étriviéres avec son martinet, arme qu’il portait toujours, comme les nobles leur épée et les Italiens leur poignard. Les deux filles criaient « Au voleur ! » et appelaient leur pére. Barbier, qui était fort, gourmait le maître, quoiqu’il l’eût reconnu à ses armes. La mère monta, une lampe à la main. On vit alors tout le désordre, des matelas et un lit de plume sur le carreau ; le maître et Barbier colletés, celui-là dessous, et frappant comme un sourd avec son martinet ; les filles demi-nues à leur séant et tremblantes ; moi couché sur ma paillasse, enveloppé dans un drap et une couverture, feignant de m’éveiller… Les explications se firent peu à peu. Christophe me questionna ; je répondis naïvement ; et il eut le bon sens de m’assurer, que si l’accident nocturne m’arrivait quelquefois, il savait que c’était involontairement, et qu’il ne m’en ferait pas un crime. Notre lit fut raccommodé sur-le-champ ; Barbier se mit à côté de moi, et délivré de ma crainte, je ne lui donnai plus occasion de se plaindre.

Huit jours après, arrivèrent les vendanges de Joux, qui se font tard. Nous eûmes de la pluie ; je fus mouillé ; j’eus froid, et la fièvre me prit. Je ne