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Il m’a répondu : Ma fille, ce garçon ne manquera jamais, quoique son père ne soit pas riche et qu’il y ait beaucoup d’enfants dans cette maison… Ah ! Monsieur Nicolas ! je voudrais avoir un frère comme vous !… » Cette jeune personne avait autant de douceur que d’esprit.

Malgré les attentions de Julie, je me déplaisais beaucoup à Joux, à cause de mon indisposition nocturne et de Nannette, mais je ne m’ennuyais pas comme à Vermenton, et depuis à Paris, auprès de mon frère, l’abbé Thomas ; mais il y avait deux causes qui me rendaient Joux supportable : la première et la plus forte, était la société de Julie ; la seconde, c’est que j’étais à l’orient de mon village. Celle-ci paraîtra futile ; elle l’emportait cependant sur les autres motifs que je pouvais avoir ; elle agissait continuellement sur moi et me préservait de cet ennui, qui oblige quelquefois les Suisses à revenir dans leurs montagnes, du fond de la France et de l’Italie. Julie avait près de quinze ans ; elle était formée, très jolie ; elle lisait bien, avec sentiment et grâce ; elle écrivait correctement, parce qu’elle aimait la lecture ; elle venait moins à l’école pour elle-même que pour y accompagner ses frères et sœurs, qu’elle surveillait avec une prudence qui la faisait admirer de tout le monde. Elle apprenait la musique de son père, homme fort instruit ; il n’y avait personne dans le bourg qui ne l’aimât, à cause de sa bienfaisance. Presque tous les jours elle m’apportait tantôt des confitures, tantôt du gâteau,