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comme Vermenton, parce que le premier était à l’orient de mon village, et que j’avais naturellement l’occident en horreur, sans doute parce que le coucher du soleil est le contraire de son lever, qui réjouit toute la nature. Mon père me conduisit donc, et en route il me fit ces onctueux récits des instructions du maître d’école qui avait instruit sa jeunesse, récits que j’ai rapportés dans sa Vie. Il ajouta que c’était le père de celui sous lequel j’allais être… J’ai toujours admiré depuis, comment mon père savait raconter à propos… Arrivés à Joux, nous dînâmes chez ma sœur, et nous n’allâmes chez le maître qu’à l’heure de la classe du soir. Le fils du bon Christophe Berthier reçut mon père avec beaucoup de témoignages d’amitié ; mais je lui trouvai quelque chose de sévère pour moi dans le regard : au lieu que son épouse, la même qui avait attiré à mon père cette violente correction, qui a scandalisé tant de parents pusillanimes, dans le Ier Livre de son histoire, m’inspira de la confiance par son air de bonté ; je crus voir ma bonne tante Madelon. Christophe Berthier, de Joux, avait deux grandes filles de vingt-cinq et de vingt ans. Joson, l’aînée, était le portrait de sa mère ; et Nannette, la seconde, beaucoup plus jolie, mais haute, dédaigneuse, même : elle avait, en perfection, la noble figure des Berthier, qui aurait pu passer pour Romaine, sans leur extrême blancheur. Je fus d’abord prévenu pour Nannette : mais bientôt elle cessa de me plaire, en parlant toujours d’un grand pensionnaire de