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rougis douloureusement. Mais je fus bientôt distrait de cette idée pénible : mon père et ma mère rentrèrent à la maison ; une ruche essaima : c’était alors pour moi le plus grand des plaisirs que de recueillir un essaim, et je le goûtai complet, puisque je le mis dans une ruche préparée, sans autre secours que celui de mes deux sœurs jumelles, qui secouèrent la branche. J’allai ensuite, glorieux, porter cette nouvelle à mon père, qui seul jusqu’alors les avait recueillis. Il parut un peu étonné lorsque je lui dis que j’avais mis l’essaim dans la ruche. Je regardai alors ma mère : — « C’est un ouvrage d’homme, n’est-ce pas, maman ? — Oui, mon fils, » me répondit-elle en souriant, voyant bien que j’avais entendu la conversation du jardin.

Joux. Voici un nouvel ordre de choses qui va commencer. Le lendemain du jour où j’avais mené Jacquot à mon vallon, où j’avais passé une journée délicieuse avec mes camarades et ma première maîtresse, mon père m’éveilla du matin : « Nicolas ! Nicolas ! » Je pensai que c’était pour aller à l’école de Sacy, et mon cœur se serra : — « Allons, mon père. — Nous allons à Joux, voir ta sœur Marianne et ton beau-frère Marsigny. Par la même occasion, nous rendrons une petite visite à M. Christophe Berthier, fils du bon M. Berthier, de Nitry. » Ma mère prit la parole quand il fut sorti, pour me représenter qu’il fallait m’instruire ; que je serais à Joux auprès de ma sœur et comme chez nous. Je goûtai ses raisons par un singulier motif : je ne haïssais pas Joux