Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de chiffres pour détruire les souris ; j’enduisis les ruches de chaux et de bouze de vache ; je les couvris d’excellentes robes de longue paille de seigle. Je portai l’attention plus loin, je leur fis cuire des lentilles, et dans les beaux jours d’hiver, où les abeilles sortent, j’en mettais sur leurs pierres, en les humectant d’urine ; ce légume farineux les soutenait et les préservait de la diarrhée. Pendant les deux années que les agneaux et les ruches eurent mes soins, il n’en périt pas ; je sauvai les essaims de l’été précédent, les plus faibles, ainsi que les avortons des plus mauvaises brebis. Mes parents et les domestiques étaient surpris de mes petits talents économiques. Mais ils ne produisirent pas l’effet que j’en attendais ; au contraire, mon père se confirmait de plus en plus dans l’idée de m’envoyer à la ville, après m’avoir fait donner les principes du Latin par mes frères aînés.

Pendant l’été de 1745, on eut plus d’une preuve de mes talents pour la conservation de la basse-cour. À mes heures de loisir… (car j’étais alors principalement occupé de la lecture, et j’apprenais à griffonner avec une ardeur inconcevable ; j’étais honteux qu’un garçon de mon âge ne sût pas encore signer son nom. Cette idée m’avança plus que les leçons de maître Jacques : l’amour de la gloire est une belle chose ; c’est un ressort puissant ! mais toutes les âmes ne l’ont pas… Ce qui m’a empêché d’avoir jamais une belle écriture, fut précisément l’extrême envie que j’avais eue de savoir