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morrhagie, ou de quelque maladie dégoûtante, je m’évanouissais. On n’imaginait pas d’abord quelle était la cause de mon accident : ce fut Boujat, qui était assez bon observateur, qui fit un essai, en prenant les précautions pour me secourir. Il rassura mes parents eîirayés. Je ne pouvais absolument voir de sang, que je ne perdisse connaissance : et cependant je voyais tuer les animaux, même les porcs, dont la mort est la plus affreuse. Bien différent des petites maîtresses de Paris, je n’étais humain, à cet excès, que pour les êtres de mon espèce : un coup sur une partie sensible, la saignée sur moi-même, ou sur les autres, me faisait évanouir. Mais ceci est plus ordinaire, et je ne voulais parler que de l’effet très rare des simples discours, surtout avant l’instruction et la réflexion… Je laisse à penser quelle puissance une exhortation, une harangue séditieuse auraient eu sur un peuple composé d’individus tels que moi ! quel ravage eussent fait sur moi, de treize ou de seize ans, époque de mon arrivée à la ville, à vingt-un ans, les ouvrages libidineux, dont je me garderai bien d’indiquer ici les titres !

Lecteur ! c’est par ce physique qu’il faudra me juger par la suite, lorsque vous me verrez incapable de résister aux passions. Aussi mes parents, qui m’avaient destiné à la médecine, se virent-ils obligés de changer leurs vues sur moi. Je n’étais pas plus propre à l’état ecclésiastique, où, d’ailleurs, j’avais déjà deux frères. On ne sut plus quel état