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fant, je n’entends pas le Latin. — Je vais vous le lire en Français. — Est-ce que tu sais lire le Français ? — Oh que oui, maman ! et c’est pour cela que je vous demande le Bon Pasteur, qui est si beau ! — Voyons comme tu lis ? » Je lus : « Étant sur le bord des fleuves de Babylone, nous nous y sommes assis, et nous y avons pleuré, en nous rappelant de Sion. Et nous avons suspendu nos harpes aux saules qui bordent ses prairies. Alors ceux qui nous ont emmenés captifs, nous ont dit : Chantez-nous quelques-uns des cantiques que vous chantiez dans votre pays ? Ah ! comment chanterions-nous les cantiques du Seigneur et d’allégresse, dans une terre étrangère ? » Je vis des larmes dans les yeux de Barbe Ferlet : — « Tu lis bien, mon enfant ! tu lis fort bien ! — J’ai appris tout seul, maman, dans la Vie de Jésus-Christ, où il y a de jolies lettres frisées… Vous m’aviez promis, dés que je saurais lire, de me donner le Bon Pasteur, en attendant que vous me donniez, quand je serai bien savant, votre livre d’or ? » (c’était une autre Vie de Jésus-Clirist reliée en maroquin rouge, et dorée sur tranche.) Ma mère me donna le Bon Pasteur : — « Mon enfant, ne le gâte donc pas ! car je le conserve depuis mon enfance, et je le tiens de feue ma pauvre mère. » Je reçus le livre en palpitant de plaisir, et je courus m’isoler sur un pommier sauvage, dans les Prés-des-Rôs, pour n’être pas distrait. J’eus une illusion délicieuse, qui