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en grange, leur raconter, ou plutôt leur réciter tout l’historique de la Bible. Ce fut alors que je passai pour un prodige ! Les bonnes femmes se levaient sur mon passage, et m’appelaient Monsieur Nicolas. On me louait à mon père : mais il n’écoutait ce qu’on lui disait, que comme les discours de paysans ignorants, qui étaient émerveillés par quelques bluettes jaillies de ma mémoire.

Après avoir achevé la Bible, jusqu’à l’Apocalypse, je demandai les Vies des Saints. Je lus, avec transport, celles des Martyrs ; mais les autres Saints me touchaient peu : je n’étais pas encore assez formé, pour aimer les vertus paisibles.

Ma mère avait un livre que je désirais depuis longtemps, parce que j’en avais entendu lire un passage à mon aïeul Nicolas Ferlet : c’est le Bon Pasteur, de Jean de Palafox, évêque d’Osma. J’allai le demander un jour, la larme à l’œil. J’étais dans le jardin, monté sur un vieux pommier, pour y lire tranquillement mon Psautier Latin-Français : car il me semblait qu’en me mettant hors d’atteinte, j’assurais mon indépendance. Je tombai, à l’ouverture du livre, sur le psaume Super flumina Babylonis, que je lus en Français, pour la première fois. Cette espèce d’élégie m’attendrit, je relus deux fois le psaume, que je ne trouvai pas fait comme les autres ; puis je descendis hâtivement de mon arbre, pour aller trouver ma mère : — « Maman ! » lui dis-je, voilà un beau psaume ! Voulez-vous que je vous le lise ? — Quand tu me le liras, mon en-