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ensemble à la nuit. Je me couchai triste, et le lendemain, je me levai plus triste encore pour aller à l’école. Telle fut la fin de ma première bergerie.

Mais il faut placer ici quelque chose, que j’ai Lecture.omis, pour ne pas mêler à mes moutons des objets d’un genre tout différent… J’avais appris à lire le Français, depuis mon retour de Vermenton. Je portais aux champs, ou dans le jardin, prés des abeilles, un psautier Latin-Français, avec un ouvrage qui n’était que dans cette dernière langue, et qu’on me sacrifiait : c’étaient des Méditations creuses d’un moine, qui, je crois, se nommait le P. Buzée. Nous étions alors sept enfants du second lit (nombre égal à ceux du premier, savoir : Nicolas-Edme (moi), Marie-Geneviève, Catherine, Baptiste, Charles, Élisabeth et Pierre, le dernier de tous, qui, sans talent pour la campagne, devait cependant y remplacer mon père un jour. On mettait tous ces enfants sous ma direction, en été, dans l’enclos du pré, où ils étaient en sûreté sur la pelouse ; en hiver, dans un endroit chaud et propre, comme l’écurie aux brebis. J’étais là presque roi, comme dans mon vallon : la domination est une double, une centuple existence, pour celui qui l’exerce. Tous mes moments étaient employés. Je faisais lire du Latin à mes deux cadettes les plus grandes. Pour le Français, comme Margot ne voulait pas me montrer, j’usai d’adresse. Ma mère m’avait donné une Vie de Jésus-Christ in-4o à belles marges, sur lesquelles étaient les versets Latins du texte. Deux bâtons plantés dans le mur