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qu’moi ; et moi, j’prenrai Madeleine, s’all’veut d’moi in jour ? — Oui, » dit Madelon ; « et toi, Marie ? » Marie Fouard rougit, et ne répondit pas. Et Jacquot dit : — « J’aime mieux être le garçon de Blaise Guerreau, que le fils de M. Réti’ ; car j’suis maîte d’mes voulontés. Vou’ êtes Monsieur Nicolas, et vous poijerez vote monsieureté : car j’soumes tretous autant les ins qu’les autes, et qui pus est, pûs souffre. — Ah ! » m’écriai-je (et je dis ce que je sentais) ; « que vous êtes heureux vous autres, qui êtes nés de parents qui ne veulent pas vous élever au-dessus de leur état ! Et d’où vient moi, qui ne désire que de rester ignoré, pauvre et heureux par la solitude, en aimant celle que j’aime, ai-je des parents qui me veulent pousser ? Je ne voudrais être que laboureur un jour, et bien cultiver mes champs ; la peine du corps ne m’épouvante pas ; je ne crains que celle de l’esprit ! » Ce langage me concilia la bienveillance de mes camarades. Ils m’assurèrent que j’étais né pour être au-dessus d’eux ; la seule Marie Fouard ne parut pas être de leur avis : c’était cependant celle qui me voulait le plus de bien ; l’instinct de la nature valait mieux en elle que la raison. Deux de ces mariages désirés se sont faits ; celui de Jacquot avec Fanchon ; celui de Madeleine avec Étienne. Quant à Marie, elle a épousé Jean Droin, mon parent, qu’elle a préféré par cette raison : car elle m’a toujours aimé, la bonne fille ! et peut-être ai-je nui à son bonheur !… Nous nous en revînmes tous