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bonheur, du moins pour cette année : je trouvai Jacquot arrivé. Ah ! que de résolutions avaient été prises contre mon repos, depuis ce retour inattendu ! Une nouvelle pension venait d’être décrétée : j’en fus instruit, et je fus navré de douleur, croyant que c’était encore à Vermenton ! Je ne fus cependant pas insensible au plaisir de revoir Jacquot, quoiqu’il me détrônât, et qu’il dût causer des malheurs redoutés. Je lui fis accueil, et le lendemain, je priai qu’on me permît de l’accompagner pour lui montrer ma bonne-vaux… Ce ne fut pas sans un soupir ! Moi, roi la veille, maître souverain d’un vallon tout entier, où j’avais pour sujets assez indociles, un sanglier, un loup, un chevreuil ; où déjà (tant il est aisé d’abuser du suprême pouvoir !) j’avais été tyran, en faisant mettre à mort par mes satellites, un de mes plus paisibles sujets ; où j’étais possesseur incontesté de deux beaux poiriers sauvages, d’une pelouse et de quelques buissons, où les linots, les chardonnerets, les fauvettes, et peut-être le rossignol devaient nicher : prier, pour avoir la liberté d’y retourner une fois ! Cela me fit mal au cœur ! Ah ! que ne connaissais-je les Apennins !… Cependant, à peine fûmes-nous sur la colline, que je sentis ma liberté. Je parlai à Jacquot de mon vallon ; je l’y menai. Je le mis ensuite en possession de mon grappil dans les vignes de Mont Gré, où nous fûmes joints, vers le midi, par Marie Fouard et ses camarades de la veille, en y ajoutant Fanchon Berthier, sœur d’Étienne. Jacquot, dont elle a été depuis