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pied de ma pyramide, afin de découvrir les troupeaux. C’est de là que je montrais, en propriétaire enivré, mes buissons, ma pelouse, mon ravin, mes ronces, couvertes de mûres sauvages dont on alla aussitôt se rassasier, car l’air est dévorant sur ces collines… Pour mettre le comble à ma gloire, le lièvre ayant paru, Friquette, que je lâchai à propos, l’attrapa et vint le déposer à mes pieds, suivant son usage. Que j’étais fier ! Je n’essuyai qu’une petite mortification : ni mon chevreuil, ni mon loup n’eurent la complaisance de paraître, mais j’en étais bien dédommagé par la prise de mon lièvre. Je m’occupai ensuite du soin de mon troupeau que je m’enhardis à conduire plus loin dans des pâturages vierges, par conséquent plus gras, et que je n’avais pas encore abordés, me défiant de mon loup. Ils étonnèrent mes camarades ! Enfin, les troupeaux rassasiés, et les bergers au contraire recommençant à sentir la faim, nous descendîmes dans le Grand-Pré pour aller de là grapiller raisins, pommes et poires dans les vignes de Mont-Gré, où nous trouvâmes une véritable terre promise. Après une courte recherche, nous nous réunîmes. On déposa sur le sainfoin un ample grappil ; j’envoyai prendre, sur mon gros mouton, mon second bissac encore plein ; nous y trouvâmes du petit-salé ; le régal fut plus complet qu’à mon vallon, moyennant notre abondant dessert. Au coucher du soleil, je fus ramené comme en triomphe à la maison paternelle.

Cette grande journée fut la dernière de mon