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l’absence d’un camarade avec qui je pensais tout haut. Mes yeux devinrent humides ; je pleurai. Mais les larmes ne suffisant pas à ma vive émotion, je chantai, pour la première fois, des mots sur un air que je composais, pour exprimer la situation de mon cœur. Tous ces mouvements nouveaux étaient délicieux[1] ! Insensiblement, je montai dans le pré de la Grange-à-la-Sœur, et jusqu’au delà de la chapelle Sainte-Madeleine, alors en ruines. Là, je trouvai des buissons de mûres sauvages, que j’aimais passionnément ; je me mis à en cueillir : mais je regrettais que Jacquot n’en mangeât pas ! Je chantais son nom ; je l’appelais, et me rappelant enfin une complainte des Pèlerins de Saint-Jacques, que j’avais entendu chanter à des mendiants, je mis sur l’air les paroles suivantes :

Jacquot est en pèlerinage,
À Saint-Michel ;
Qu’il soit guidé dans son voyage
Par Raphaël !
Par ici nous gardions ensemble
Les doux moutons ;
Jacquot va par le pont qui tremble,
Chercher pardons.

Je ne pus faire que ce couplet, que je recommen-

  1. Voilà des développements vrais, voilà la nature, et non pas ce que fait faire à un Élève prétendu de la Nature, un faussaire, qui avait attribué ce plat ouvrage de charlatan à J.-J. Rousseau.