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J’étais alors sauvage à l’excès ; ce fut avec peine que j’entrai : mais la vue de mes deux jolies parentes, leurs caresses, surtout les petites attentions de Nannon, me mirent à l’aise. Marie, après m’avoir embrassé, m’avoir donné des dragées, me remit à sa sœur, qui me garda prés d’elle et ne s’occupa que de moi. Elle m’embrassa enfin, mais d’amitié, après avoir fait connaissance. Jamais des joues si douces n’avaient approché les miennes ; je sentis un frémissement de volupté ! Ce baiser m’est encore présent, et lorsque mon imagination me le retrace, je crois le sentir. J’osai le renouveler sans que ma jolie cousine s’y opposât ; au contraire elle paraissait charmée et redoublait ses caresses. Il y avait alors à la maison une servante de Nitry, excellent sujet et assez jolie, appelée Catherine Panneterat, qui m’avait quelquefois défendu quand les filles me poursuivaient ; elle dit tout bas à ma cousine qu’elle avait bien du privilège ! — « Je le sais », répondit Nannon ; « je n’en aime que mieux mon petit cousin ». Je fus flatté : mon jeune cœur nageait dans une volupté d’autant vive, qu’elle était plus pure. Cependant, quelque plaisir que je trouvasse aux caresses de Nannon, je me rappelle que mes yeux étaient secrètement attirés par le joli pied de Marie. Ce petit événement fait époque dans ma vie, par le développement d’une faculté nouvelle, le savourement du baiser. Ah ! l’on acquiert sans cesse à cet âge, et l’on perd irréparablement à celui où je suis parvenu. Tout ce qui me semble extraor-