minel… Ce sage pasteur mourut ; son successeur, Messire Louis Jolivet, défendit le jeu, qui devint criminel ; il fallut que le pouvoir civil le proscrivît. Depuis ce temps, il n’y a plus de jeux à Sacy ; on y végète tristement, comme ailleurs : le purisme a toujours été le plus grand ennemi du genre humain. Lorsque j’allai jouer au loup pour la première fois, nous n’étions que des enfants, et tout s’y fit avec innocence ; j’y trouvai un plaisir inexprimable. Je craignais d’abord enfantinement d’être loup, mais ayant été deviné, je trouvai tant de plaisir à mon rôle, que j’aurais voulu le faire toujours. Le jeu du loup me familiarisa promptement avec les filles ; car mon premier acte de virilité, dont j’ai rendu compte, avait été un effort de courage[1].
- ↑ Voyez le drame du jeu du loup, dans le Drame de la Vie, Ier partie, p. 19 et suiv. Cet ouvrage est le complément
de celui-ci.
Dans l’ancien régime, on avait cru remplacer les jeux par la pédante et plate institution des Rosières. Mais ces tristes fêtes ne sont pas un jeu ; elles sont une source de petites cabales, de petites intrigues, de petites vertus d’ostentation, et de vices réels. Les villages à rosières, loin d être aujourd’hui les plus innocents, sont les plus licencieux ; le vice s’y cache comme à la ville, et les filles y sont libertines sans faire d’enfants. D’où vient cela ? C’est que les dames qui allaient présider ces ridicules solennités, menaient avec elles leurs valets, leurs amants et leurs vices. Je tiens du constituant Clermont-Tonnerre, que sa femme ayant fait une rosière à Champlâtreux, un seigneur de la cour se donna le plaisir piquant de là déflorer deux heures avant la cérémonie du couronnement. On ne doit jamais donner de récompenses ni de couronnes au devoir rempli ; et surtout, jamais le vice ne doit couronner la vertu !