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tants plus pauvres, comme les Paulo, les Couchât, les Lemme, les Blaizot, etc., étaient employés à des travaux plus rudes et plus nécessaires. On ne rencontre jamais la vérité, dans les ouvrages que l’on publie sur les anciennes mœurs, faute d’aller la chercher où elle est, dans les villages éloignés des grandes villes et des grandes routes, comme le mien, où le riche et le pauvre, quoique inégaux en moyens, étaient encore égaux en considération. Je laisse à penser avec quel mépris j’ai lu, par la suite, le prétendu ridicule jeté sur les bergeries ! Ces écrivains renommés étaient applaudis, dans leur impéritie, par des lecteurs superficiels, qui les uns et les autres n’avaient vu de bergers que ceux des bouchers de Paris[1].

Je disais que les adolescents se réunissaient pour jouer le soir dans la prairie. Je n’avais encore aucun emploi dans la maison paternelle : ainsi, en tout temps j’étais libre dans les intervalles de l’école, et je l’étais absolument pendant la moisson et les vendanges. Mais j’avais l’inutilité en horreur ; elle était pour moi une honte insupportable : dans la journée, je m’occupais à soigner les abeilles, les agneaux, les différents oiseaux de basse-cour ; à sarcler le jardin, dont je portais les mauvaises herbes aux vaches. Fatigué, je lisais du Latin, que je n’entendais pas, mais que j’aimais à chanter à l’église ; je ne savais

  1. La Fontaine lui-même a fait cette faute, qu’il aurait évitée, s’il fût né paysan de Sacy.