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me faire entendre que, « pour le bien de mon âme, il fallait que je reçusse le fouet ; que par cette peine salutaire, ma faute punie serait effacée aux yeux de Dieu. » Cela devait être excellent pour un zélé, un béat de l’âge de l’abbé Restif : mais il y avait de la folie à tenir ce langage à un enfant. J’eus le fouet ; l’air bonasse du fouetteur me fit d’abord penser que c’était pour éprouver ma docilité ; mais la réalité me détrompa. Je fus surpris une seconde fois ; les autres, jamais l’abbé ne me tint ; dés que je l’avais entrevu, je m’échappais. Un jour, j’allai me cacher au milieu des prés des Rôs dans un trou à rouir le chanvre, où je restai plongé dans l’eau jusqu’à son départ. Je ne m’enfuyais ni de mon père, ni de ma mère, ni de ma bonne tante Madelon de Nitry, ni de messire Antoine Foudriat, parce qu’ils avaient une conduite convenable avec moi. Je m’enfuyais de tout ce qui paraissait me surpasser : tout ce qui était Monsieur ou Dame me faisait peur, à cause de la supériorité. J’aimais les pauvres ; je leur donnais ce que je pouvais, jusqu’à mon déjeuner ; j’allais prier pour eux chez nous. Apparemment je ne voulais être environné que des êtres que je pouvais dominer.

J’avais toujours passionnément aimé les oiseaux : trouver un nid, était pour moi une jouissance délicieuse, et à l’instant où j’en découvrais un, il me prenait une sorte de frémissement, suivi d’une extase d’admiration. Le premier nid que j’avais vu, m’avait été montré par Margot ; je n’avais que trois