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me rappelle confusément qu’on voulut arrêter cette princesse pour dettes : elle résista, et soutint un siège dans son château contre ses créanciers et leurs recors. Tout cela commençait à me donner une sorte d’immoralité, en m’habituant à l’existence du vice, dont l’idée entrait ainsi dans mon âme neuve.

J’avais eu deux frères et une sœur, depuis les jumelles, Baptiste et Charles, avec Élisabeth, qu’on a vue religieuse à Crisenom, aux Bernardines d’Auxerre ; enfin gouvernante du frère aîné de tous, curé de Courgis, et maîtresse d’école. Marie avait été à Paris, où elle venait de trouver un époux. Ce nouveau gendre, après les premiers arrangements de son établissement, était venu chez nous. Il ne put me voir une seule fois ; je fuyais dès qu’il paraissait ; couchant dans les greniers à foin, et ne mangeant que ce que m’apportaient à la dérobée les deux jumelles… Tel avait été l’effet de la pension à Vermenton. Je fuyais, plus que tout autre, l’abbé Restif mon frère, qui me donnait le fouet, à chaque visite, pour effacer le péché originel par la douleur. Il n’est rien de plus inepte qu’un séminariste ; rien de moins propre à être un jour ce que l’on veut qu’il soit, un pasteur éclairé : ces jeunes gens n’ont la tête remplie que de fadaises mystiques. Mon frère parrain, à son arrivée chez nous, se croyait obligé de s’enquérir à ma mère des petits écarts où j’avais donné. Il ne m’épargnait pas les instructions ; puis, le plus bénignement du monde, il tâchait de