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vait pas encore ; je ne lisais que le Latin : usage que j’approuve, loin de le blâmer ! excellent, si l’on y avait joint les principes de cette langue, mère de la nôtre. Je n’éprouvais que des dégoûts, tandis que je trouvais le plus grand plaisir à bondir librement dans les prés des Rôs, c’est-à-dire des Raies ou Rigoles, pour en faire écouler les eaux. Ma conduite me rendit moins agréable à mes parents ; les dispositions que je montrais n’annonçaient rien de favorable ; Miché Linard m’avait aigri le caractère : je paraissais ennemi de toute application. Je fuyais les hommes ; dés qu’un étranger arrivait à la maison, j’en sortais, pour n’y plus rentrer qu’après son départ. Mais peut-être était-ce l’effet d’un instinct heureux, vu que les étrangers qui venaient chez nous ne pouvaient que me donner l’idée du vice, absolument inconnu dans la maison paternelle. En effet, j’eus alors un exemple des mauvaises mœurs encore plus clair que celui donné par Comtois et dame Geneviève. Les deux Restif de Joux, Jean et Bénigne, venaient souvent à la maison ; ils ne m’effrayaient pas comme les autres, à cause de leur bonhomie et de leur habit de paysan ; je demeurais pour eux. Ils racontaient des nouvelles de ce qui se passait à l’orient de mon village, à Lille-sous-Mauréal, où une princesse de Nassau menait, dans une sorte de château-fort, la vie la plus scandaleuse. J’écoutais les récits qu’on en faisait, et les réflexions de mon père : je pris en horreur le nom de Nassau, comme si j’avais été destiné à devenir Hollandais. Je