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ci lisait dans son cœur. Et néanmoins chez elle, les compliments, les égards m’étaient prodigués. On sait encore qu’elle n’en agissait ainsi que pour me faire tomber dans quelque faute, dont elle espérait tirer avantage pour me décrier. C’est une des singularités de ma jeunesse, que la haine maternelle que me portait cette femme ! Elle ne me fit d’autre tort que d’empêcher Messire Antoine de me donner les principes du Latin, comme il en avait envie. Mais il est impossible d’imaginer combien ce préjudice, qu’elle me causa, fut décisif et irréparable ! Messire Antoine était un philosophe qui m’eût formé rapidement… On a vu son portrait dans la Vie de mon Père.

Mme Rameau avait, au mois d’Auguste de cette même année, une jolie moissonneuse du pays de son mari, Percy-le-Sec : car ce ménage, quoique très d’accord, était séparé d’habitation ; la mère, avec les enfants, demeurait dans le bien de Sacy, et le père faisait valoir celui de Percy, encore plus considérable. Cette moissonneuse, grosse dondon de bonne mine, avait le tour si voluptueux, qu’elle excita la jalousie de Mme Rameau, bien à tort ! je puis le dire ; l’automate qu’elle appelait son mari avait épousé ses champs ; il couchait avec la fortune de sa femme, et ne jouissait que de cela. Le mari et l’épouse changèrent de moissonneuse ; une grosse Mathron de Sacy, laide comme la conscience d’une prêteuse sur gages, fut envoyée à Percy, et l’appétissante Nannette vint chez la femme de son maître. J’aperçus