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monte une âpre colline, appelée le Tartre, au-dessus de laquelle sont des champs arides. Enfin, on descend le Terrapion, encore plus rude que l’autre colline, comme l’indique son nom, qui signifie qu’il faut mettre pied à terre ; les voitures y passent néanmoins depuis un siècle, qu’on est parvenu à adoucir les cascades que formaient les lits de pierres. Du haut de cette dernière colline, on découvre Vermenton, gros bourg qui, comparé à Sacy a l’air d’une ville. Alors mon pauvre cœur se serrait ; ces édifices, plus orgueilleux que ceux de mon humble village, me navraient de tristesse ! Quand, au contraire, le samedi me ramenait dans ma patrie ; que du haut du Tartre, je découvrais les chaumières de ce cher village, et plus loin, les murs nouvellement blanchis de la Bretonne ; sur les côtés, les bois de Nitry et de Sacy ; au milieu, le Boutparc, mon cœur se dilatait ; il bondissait ; des cris de plaisir s’échappaient ; je volais.

Mais en descendant le Terrapion, je ressemblais à un homme qui marche au supplice. Oserai-je dire l’idée qui me vint plus d’une fois ? J’aurais voulu voir Vermenton s’abimer, ou en feu, afin d’avoir une excuse pour m’en retourner à Sacy !… Hélas ! ce charme tout-puissant de la solitude est détruit pour moi ! mais il me reste une idée de cet ennui mortel qu’éprouvent les Suisses, hors de leur pays ! Personne peut-être ne l’a senti comme moi ; je ne les en excepte pas eux-mêmes, entendissent-ils chanter leur branle-des-vaches.