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se courbait. Colas-Chabin était un sournois, à physionomie rhynocérote. Ces deux Colas, dont le premier était le coryphée de la fête, et le second son lieutenant, auraient bien voulu que les filles les poursuivissent, ou seulement en être soufferts ! Ils me joignirent au bénitier, et m’offrirent leur protection : « Voilà les filles qui vous attendent, » me dirent-ils ; « les trois Colas se doivent entr’aider ; marchez entre nous deux. » Je les crus. En effet, le Grand-Colas était si redouté, si haï, que pas une fille n’osa m’approcher. Je marchais fièrement entre mes deux homonymes, quand je m’aperçus que je m’étais confié à deux traîtres… Déjà nous étions parvenus à la Croix-du-Reposoir, c’est-à-dire au tiers du village, quand je vis, un peu tard, que le Grand-Colas me livrait à deux groupes de filles, dont les unes précédaient, les autres nous suivaient de vingt pas. Je voulus fuir : je fus environné en un instant. Jamais je n’avais été si beau ; jamais je ne fus tant baisé. Mais bientôt les fourrageuses devinrent la proie du grand satyre et de son camarade. Dés qu’ils les virent occupées de moi, ils se jetèrent sur elles, et ne les épargnèrent pas. Ils les raillaient, en disant : « — Hâ ! vou’ v’lez dou p’tit ? En voiqui dou grand ; … en voiqui dou moyin ! » Ils arrachaient les bagues, et ils ne se retirèrent, que lorsqu’ils eurent tous les doigts garnis… Je m’étais échappé, pendant l’attaque des deux Colas. Je m’élançais comme un jeune faon poursuivi, franchissant les obstacles ; je sautai légèrement sur les bras de six