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tion, surtout après que ma conduite eut donné quelques sujets de plainte : car je voulais toucher à tout, tout réformer ; et le plus souvent je gâtais : ce qui me fit donner le surnom peu honorable de Gâte-tout. Un jour, mon père me fit adroitement demander les raisons de ma singularité par Germain, le garçon de charrue : « Non ! » lui repondis-je, « je n’aime pas les laides ; mais c’est que je ne les crains pas. » Ceci rassura Edme Restif.

Depuis que nous demeurions à la Bretonne, j’avais, pour revenir de l’église, toute la longueur du village, qui n’a qu’une rue, composée de cent vingt-cinq maisons de chaque côté. La fête de Saint-Nicolas arriva. Les grands garçons payaient la messe ; les petits y assistaient. Nous étions alors à Sacy trois Nicolas garçons, d’âge différent : Le Grand-Colas, long comme une perche ; Colas-Chabin, ainsi nommé de sa grande chevelure hideusement crépue ; enfin Monsieur Nicolas, le plus jeune des trois. Mes sœurs m’avaient paré ce jour-là, suivant leur expression, « comme un petit chérubin ». Lorsqu’on sortit de l’église, les grandes filles se rangèrent sur le perron (comme avaient fait les grands garçons le jour de Sainte-Catherine, pour voir défiler) ; elle se disaient : « Lou P’tit-Colas ôt mieû’ èrangé que l’Grand ; il a in pus biau chapiau, in pus biau bouquet, » etc. Le Grand-Colas était un assez mauvais sujet ; ce qu’indiquait sa taille haute, efflanquée, sa figure ignoble, qu’il paraissait craindre de montrer, tant il