Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles qui lui plaisaient davantage ; et comme la partie la moins facile à conserver propre est celle qui touche la terre, c’était à la chaussure qu’il donnait machinalement sa plus grande attention. Les filles déjà nommées, Agathe Tilhien, Reine Miné, surtout Madeleine Champeaux étaient les plus élégantes d’alors ; leurs souliers, soignés, recherchés, avaient, au lieu de cordons, ou de boucles, qui n’étaient pas encore en usage à Sacy, de la faveur bleue, ou rose, suivant la couleur de la jupe. Je songeais à ces filles avec émotion ; je désirais… je ne savais quoi ; mais je désirais quelque chose, comme de les soumettre.

1744Ce fut à cette époque, que je vis à Sacy une demoiselle. Elle était chaussée délicatement comme à la ville, en souliers de couleur, avec des boucles à pierres ; c’était en outre une charmante personne ! Elle m’éblouit, et je crus d’abord que c’était cette jeune et ravissante Colette, qui m’avait, dans mon enfance, fait tant de caresses à Vermenton : mais j’entendis dire chez nous que c’était une demoiselle de Noyers, parente de M. le Curé, nommée Suzanne Colas… À la vue de ses attraits délicats et frais, je la pris pour une fée, ne connaissant pas encore les déesses. Je ne rêvai plus qu’elle ; Mlle Colas me rendit infidèle à mes robustes beautés de Sacy, sans doute parce que, frêle et débile moi-même, il me semblait que j’aurais plus de facilité à la soumettre. Suzanne disparut ; elle fut oubliée : mais elle avait augmenté le charme qui m’attachait aux filles, et