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fallait voir comment mes sœurs et les deux servantes se sauvaient du redoutable Comtois, qui cependant les attrapait toujours ! Je voyais l’air de timidité qu’elles avaient avec lui, quand il les tenait : c’était un héros, un vainqueur effrayant ! Que son rôle me paraissait beau !… J’en faisais la triste comparaison avec le mien : « Ha ! quand serai-je grêlé ! » m’écriais-je… Je témoignais à tout le monde mon désir d’avoir la petite vérole, afin de ressembler à M. Comtois. Et l’on en riait ; car c’était un des hommes les plus laids qu’on puisse rencontrer ; mais grand, carré, fait au tour. Aussi plaisait-il à Mme Geneviève, qui ne me déplaisait point à moi : double raison d’envier son heureux sort, d’être laid et aimé !

Mes idées sur les femmes s’éclaircissaient petit à petit : je sentais qu’elles étaient tout ce qui est aimable ; j’aurais seulement voulu les embrasser, non qu’elles m’embrassassent ; le second rôle me déplaisait. Et cependant prendre le premier aurait été ridicule dans un petit garçon de neuf ans. Ainsi, tandis que mes parents étaient dans une sécurité parfaite, persuadés que leur Hippolite détestait les femmes ; tandis que le bruit de mon antipathie pour le sexe se répandait aux environs, à cause du monde que recevait mon père, et que le petit Monsieur Nicolas passait pour un Narcisse, ses idées, dés qu’il était seul, la nuit, le jour, n’avaient d’autre objet que ce sexe, qu’il paraissait fuir ! Les filles les plus soigneuses sur elles étaient, comme de raison,