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autres hommes. Il me semblait qu’ils pouvaient lire sur mon front : « Voilà un être nul », et je ne pouvais soutenir l’idée de leur mépris. Mais, depuis que je travaille, j’ai pris une honnête assurance. Je me présente sans hardiesse, sans prétention, mais avec un sentiment d’égalité qui me soutient. Je dois tout au travail : et mon sentiment de paix intérieure et la considération au dehors. Avant que de travailler, je n’existais pas. J’étais parfaitement inconnu, parfaitement nul. Combien je dois aimer le travail qui m’a tiré du néant, qui m’a donné des connaissances, des amis !…

« O mes chers concitoyens ! Si vous n’avez jamais essayé du travail, commencez. Savourez ensuite ce que vous éprouverez. Ne vous découragez pas ! Pendant longtemps j’ai travaillé avec sécheresse. Mais enfin le goût est venu. C’est lui qui nous soutient, qui nous anime. Essayez de la satisfaction inexprimable que donne, pendant quelques jours, un ouvrage fini ! Et vous sentirez alors les délices du travail ! Elles vous donneront des forces pour en recommencer un autre[1] ! »

Cette glorification du travail est un des passages les plus honorables qu’on puisse signaler dans les œuvres de Restif.

Les « délices de sa tâche » lui donnaient bon estomac et bonne humeur : « Personne, dit-il, ne gaudit comme moi, quand je me crois avec de bons enfants. » Gaieté franche, obtenue sans effort, et qui le rendait aimable en so-

  1. Nuits de Paris, t. V.