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PROLOGUE



Puissé-je persuader, par cette Nouvelle, qu’on peut être trompé par les femmes, après quarante-cinq ans, mais que jamais l’on n’est aimé : ou que si, par un phénomène, on l’est encore, ce n’est qu’un feu peu durable, dont la prompte et subite extinction laisse dans une obscurité profonde l’âme navrée, flétrie, après lui avoir présenté la lueur vaine d’un bonheur solide et sans fin !

Il y a plusieurs années que je m’étais proposé de traiter ce sujet d’imagination : j’en fis un essai, que je trouvai si peu digne d’être publié, que je le condamnai à l’oubli. Je parlais un jour de mon plan dans un café. Je dis, à cette occasion, que les auteurs et les médecins devraient avoir essayé de toutes les passions et de toutes les maladies. — Cette idée est vraie, me répondit un inconnu ; mais l’exécution en est presque impossible. Je liai conversation avec cet homme, et l’ayant trouvé ce qu’il me fallait, je me fis connaître à lui.

« Je suis enchanté de savoir à qui je parle, reprit-il : j’ai une aventure à vous raconter, dont je fus le héros. Je la crois intéressante pour d’autres que pour moi : j’y ai surtout approfondi les ressorts du cœur humain, suivi pas à pas les effets des passions : j’y ai anatomisé mon propre cœur, pour donner aux autres hommes un moyen de se connaître eux-mêmes. J’ai particulièrement eu en vue les hommes de mon âge, qui