Colette se contentait de cette réponse, parce que lors qu’elle allait plus loin, et qu’elle demandait où était Hélène, on ne lui répondait pas. Mais un jour, tandis qu’elle était à son travail, elle vit entrer Hélène. Cette fille n’avait pas changé son costume de faubourienne ; mais ce qu’elle portait était d’une jolie étoffe et bien fait ; elle était d’une propreté appétissante, et tirée à quatre épingles. Colette fut ravie de la voir : elle se leva, courut à elle avec vivacité, l’embrassa, et lui témoigna mille fois combien sa venue lui faisait de plaisir. — C’est pour toi que je viens (lui dit Hélène) ; je connais ta situation, ma chère amie, et a’ m’ fait réellement compassion : mais i’n’ quienra qu’à toi d’en sortir. Je ne t’ai pas oubliée, depuis que je n’suis pus ici : au contraire, i’ n’y a pas eu d’jour que j’n’aie pensé à toi. Je vais t’ laisser finir ta journée : viens-moi trouver à c’ soir chez ma mère, et nous jaserons.
Colette n’y manqua pas. Mais comme elle était à la porte de sa bonne amie, elle entendit qu’Hélène se disputait avec sa mère : — T’as ben affaire de te mêler de ça ! (disait celle-ci) qu’est-q’ t’en f’ras ? C’est bête comme un chaudron de gueuse ; et pis, ça rapportera tout dans le quartier ! — Laissez-moi faire, ma mère, (répondit la fille), elle est jolie, et j’en tirerai parti : je prendrai mes précautions. Me croyez-vous eune bête ? Vous voyez ben par ma conduite que je ne la suis pas. Fais donc, pisque tu l’ veux : mais c’est moi qui te l’ dit, tu t’en repentiras. Colette est eune sournoise. — Ça n’est que niaise et ça n’est pas sournoise, allez, ma mère : au reste, laissez-moi faire ; je sais mieux qu’vous c’ qui faut dans note méquier ; et dų depuis que je l’ fais, j’ n’y suis pas gniolle : c’est que j’ vous ai planté là la Moucharde, qui n’ travaillait qu’ pour elle, et ben vite dà ! A’ m’a m’nacée : c’est que j’ m’en suis battu l’œil ! J’ connais son monde, et j’y ai été tout comme elle, dà !
Colette ne comprit pas grand’chose à cette conversation ; et ayant entendu en cet endroit quelqu’un monter derrière elle, pour ne pas avoir l’air d’écouter