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LES TROIS BELLES CHARCUTIÈRES

LA JOLIE GAZIÈRE



Parmi cette foule d’arts et de métiers que le luxe des grandes villes emploie à la parure, il n’en est pas qui paraisse plus futile que celui de faire la gaze. Si l’on considère ce frèle tissu, il n’a guère que la solidité de la toile d’araignée ; il ne peut supporter un blanchissage, et lorsqu’il a paré quelques instants la beauté coquette, qui veut plutôt montrer que voiler ses appas, il n’est plus propre qu’à servir de jouet aux enfants. Cependant une multitude de bras sont occupés de ce travail ; on y voit des garçons, des jeunes filles, des gens de tous les âges : mais le gain que procure aux ouvriers cette étoffe légère, est aussi peu solide qu’elle-même ; ceux ou celles qui fabriquent ce qui doit orner le sein des belles inutiles et de ces filles richement soldées pour le crime, languissent dans la misère. C’est le plus pauvre des métiers que celui qui pare l’opulence. Il résulte du trop petit gain des gazières, qu’elles sont presque toutes libertines, ou prêtes à l’étre, dès qu’il se présente un tentateur ; il ne reste de matériellement sages, parmi elles, que les sujets d’une repoussante laideur. Ce n’est pas la médisance qui me fait tenir ce langage : loin de moi ce moti coupable ! Je ne prétends, en exposant aux yeux du public la misère où croupissent certaines professions, qu’engager à augmenter leur salaire, et à ne pas souf-