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LES TROIS BELLES CHARCUTIÈRES

mère. Je fis si bien valoir ces deux raisons qu’elles le convainquirent. Nous fûmes ensemble comme le frère et la sœur durant plus de deux années. Mais enfin, une forte passion amène des occasions… où les meilleures résolutions se démentent… J’eus une nouvelle faiblesse, et une fille lui doit le jour…

» J’engageai mon amant à prévenir ma mère de bonne heure, pour adoucir le coup. Il y consentit, et ses respects, la tendresse qu’il lui marqua, l’adoucirent effectivement, au point qu’elle n’en fut affectée que relativement à l’offense faite à Dieu. Elle m’en parla, mais avec bonté, en me représentant que, déjà liée par ma première faiblesse, je l’étais doublement par la seconde.

» D’après cela, monsieur, outre que vous êtes marié, vous voyez qu’il m’est impossible de vous seconder dans la bonne intention de rompre le charme qui vous attache à votre belle-sour : il faudrait mettre dans ma confidence, et mon amant, et ma mère, ou leur donner de moi l’opinion la plus odieuse. Mais vous avez votre femme, qui est jeune, aimable, et qui, tout considéré, vaut au moins votre belle-seur : attachez vous à elle : ne la quittez pas ; occupez-vous de ses attraits et vous verrez qu’en voulant la trouver aimable, vous la trouverez charmante. Elle a beaucoup des traits de sa sœur ; envisagez-la d’abord sous ce point de vue : son aînée a un goût particulier dans sa façon de se mettre, qui est au-dessus de ce qu’on peut voir de mieux ; attachez-vous à le faire prendre à votre femme qui l’a déjà en partie : dans peu de temps vous en verrez les effets : ne quittez pas votre femme pour son aînée, mais rendez Isabelle comme sa sœur Victoire ; ensuite adorez-la ; vous aurez ainsi la douce satisfaction de n’avoir pas changé, en vous remettant dans votre devoir… »




En cet endroit, la belle Adélaïde fut interrompue par deux voix qui se firent entendre à quelque dis-